L’écopsychologie est une pratique assez récente sous ce terme-là. Mais elle marque la réunion de 2 courants anciens de pensée jusqu’il y a peu séparés : d’un côté le champ d’observation, d’étude et de travail des psychologues et d’un autre côté les écologistes environnementalistes. Mariant ces 2 courants l’éco-psychologie cherche à redéfinir et découvrir les relations de la santé à une échelle tant personnelle que planétaire.
Au niveau psychologique nous venons d’une science qui définit son objet d’étude sur le modèle médical scientifique, càd : l’individu biographique, « c’est la souffrance de moi dans mon corps et dans mon esprit ».
Depuis 20 ans et à la suite des découvertes de psychologues comme CG Jung et les approches systémiques, on commence à remettre en question la limite de notre champ d’observation et d’actions. Jung a beaucoup exploré les notions d’inconscient collectif, les phénomènes de synchronicités qui ébranlent les limites du moi telles que nous les concevions jusque là. L’humain se voit connecté à une couche collective de l’inconscient et du monde… Le moi n’est donc plus le maître dans la « maison corps », mais il est le jeu d’influences de forces internes et relationnelles.
Les systémiciens sont ceux qui ont poursuivi cette idée et ont pensé l’humain dans ses articulations relationnelles avec les proches tout d’abord (d’où sont issues les thérapies de couple et familiales notamment) pour s’intéresser aux écosystèmes élargis ensuite.
On en arrive ainsi à une nouvelle conception où la séparation entre l’humain et son environnement ne tient plus. Gregory Bateson, le théoricien des modèles systémiques, nous invite à nous éloigner de l’erreur épistémologique fondamentale de la civilisation occidentale : « la vision d’un soi séparé de la nature est une terrible illusion, dit-il. La coupure avec la nature n’est pas inhérente à notre être, mais elle est une perception subjective qui est la manifestation de l’ego dans sa volonté de contrôler le monde extérieur ou de s’en protéger ».
Hillman pose cette même question : où est-ce que « je » finit et le non-je commence ? où la psyché et la matière se séparent ?
Le rationnalisme de Descartes avait tranché que seuls les humains avaient une conscience et le reste de la Création étaient une matière inerte ou vivante à notre disposition.
D’un autre côté les biologistes et chercheurs en sciences dites « dures » ont dû se rendre à l’évidence qu’ils ne pouvaient plus étudier l’environnement sans y intégrer l’humain. Son impact dans l’équilibre des systèmes du vivant s’est avéré au fil des dernières années incontournable et destructeur. La Nature est malade et l’homme en est pour une bonne part responsable.
Aujourd’hui, il convient de remettre en question cette coupure arbitraire entre le moi et le monde. Et l’écopsychologie est cette nouvelle approche qui considère qu’à son niveau le plus profond, la psyché reste liée émotionnellement à la terre, cette terre qui nous nourrit et nous porte comme une mère.
Avec ce nouveau paradigme, l’écopsychologie pourrait mener vers des changements tant personnels que sociétaux, elle pourrait amener à une nouvelle formulation des stratégies politiques des mouvements environnementalistes, une nouvelle compréhension de notre santé individuelle et de notre santé comme organisme collectif du vivant avec toutes les autres formes de vie.
Animées de l’intention d’élargir sa conscience de soi et du monde, en revitalisant le lien intime entre la psyché et la nature, les écopratiques visent essentiellement à restaurer les relations brisées ou déséquilibrées avec la nature extérieure et intérieure, afin de permettre à la personne de retrouver sa plénitude d’être originelle et d’accomplir son humanité indissociable de la toile de la vie. Les écopratiques font le pari que si l’homme renoue avec la part sacrée de la nature, il pourra peut-être commencer à se raconter une nouvelle Histoire dans laquelle les Hommes et la Nature réaprennent à se respecter et à dialoguer comme c’était le cas avant la révolution industrielle.
C’est ainsi notamment par la reconnexion au sauvage, que l’on peut soigner cette rupture entre l’homme et la nature. Sans une expérience intime avec la Nature, les humains deviennent fous. Pour cela il y a différents modes de reconnexion avec le sauvage, la quête de vision en est une :
L'expression "quête de vision" est un terme utilisé par les anthropologues pour désigner un rite de passage propre aux Amérindiens des plaines. Le rite ( Hamblecheya – pleurer pour un rêve en Langage Sioux) consiste à partir seul dans la forêt ou la montagne, à jeûner et à s'exposer aux forces de la nature sauvage en vue de recevoir des enseignements. On fait généralement une quête de vision pour trouver une guidance spirituelle et à un moment de transition entre deux cycles de vie renouveler le sens de sa vie. C’est un temps de communion profonde avec les forces fondamentales de la nature et les énergies spirituelles de la création. Du point de vue métaphorique, c’est un processus qui symbolise la mort et la renaissance à autre chose. Ce rite de passage crée un contexte puissant de rencontre avec soi-même et favorise l'ouverture à la dimension sacrée et poétique du monde.
C’est un temps de solitude pendant lequel on se met à nu, les couches superficielles des gestes quotidiens et pensées sont dépouillées par le contexte d’isolement et de contact avec les éléments de la nature. C’est un cadre propice à découvrir ce qui est vraiment important dans notre vie. On peut toucher à la source de la douleur à l'intérieur pour plus tard commencer à travailler à la guérison. L’ombre intérieure s’invite et on peut y être confronté. Une quête peut également nous donner l'assurance de notre objectif de vie et nous aider à développer une profondeur spirituelle.
En effet, notre monde moderne s’est raconté fièrement et jusqu’à l’orgueil – l’hubris, cette inflation de l’égo – que rien ne pouvait l’arrêter, que la terre et ses richesses appartenaient à qui savait les prendre et les exploiter. Le programme rationaliste scientifique au service d’un marché sans cœur a déséquilibré de manière peut-être irréversible les écosystèmes qui se rééquilibreront certainement un jour, mais ce qui est moins sûr c’est que nous humains fassions partie de ce nouvel équilibre. Les quêtes de vision, par cet isolement dans la nature sauvage, ont également cette puissance de nous relier à l’environnement en le réenchantant et en redécouvrant ce que nous avons oublié, c’est-à-dire que la nature et ses autres habitants participent au même titre que nous à l’âme du monde. Sans cette prise de conscience de la part spirituelle que nous partageons avec la nature, nous sommes condamnés à subir la victoire suicidaire du monde technique et désenchanté.
Retrouver le dialogue et réécouter la nature et ce qu’elle a à nous dire est bon pour nous mais aussi pour notre relation avec elle. . Comme le paradigme de l’écopsychologie le propose, la santé de l’un va de pair avec la santé de l’autre.
Les lieux parlent, les éléments parlent c’est nous qui avons oublié comment les écouter. Ecoutons donc ce qu’elle a à nous dire.