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Writer's pictureChristian Poelmans

Come, little birds ( Robinson Jeffers)

Updated: Apr 8, 2021

Depuis 1919, Robinson Jeffers vit dans un cottage qu’il construit lui-même sur les falaises qui surplombent le Pacifique entreCarmel by the seaetBig Sur. Son pessimisme envers l'humanité le conduit à se retirer peu à peu de la société et à entrer dans un face à face tragique avec la nature. L'inspiration de sa poésie est puisée dans la beauté sauvage de la côte californienne, dans la littérature antique, les tragiques grecs, la philosophie nietzschéenne, le pessimisme schopenhauerien et spenglerien. ( Source Wikipedia)


"come, little birds" est un poème qui relate une expérience de rencontre avec les morts pendant une séance de transe à coloration chamanique.

La forme s’oriente vers le style épique qui caractérise souvent Jeffers.

Les thèmes touchent ici aussi à une expérience de la nature plus grande que nos préoccupations humaines....


Come, little birds (R. Jeffers)

Venez, petits oiseaux

(trad. C. Poelmans)

Je payai la femme ce qu’elle demandait et la suivis sur la rive,

et ses deux fils

Descendirent derrière nous; le premier portait une pique, l’autre tenait

le veau noir et l’attacha étroitement

Au tronc d’un platane surplombant la berge. Nous étions près du pied

des montagnes, là où la rivière Sur

Se déverse depuis les gorges, écumant parmi les grands rochers; et le soir était tombé

Mais la lumière était encore claire. La vieille femme nous emmena sur une langue de terre

herbeuse sous la berge;

Un des garçons rassembla du bois sec pour le feu, l’autre nettoya et

répara une petite tranchée peu profonde

Qui entaillait la terre à cet endroit; ensuite ils entassèrent les bois et firent

une flamme jaune, à environ dix pieds de la tranchée

Du côté Nord, juste près de l’eau; la femme s’assit face au feu,

regardant vers le Nord,

Son dos appuyé contre un énorme rocher.


Elle ferma les yeux et murmura une

musique sans mélodie, hochant sa tête de vautour

Sur un rythme sourd; à travers lequel on pouvait entendre le feu ronfler et la rivière

couler et les vagues rouler sur la plage

Par de-là la colline. Après un certain temps elle ouvrit grand les yeux,

et ils roulèrent

Sous son front, je vis la lumière du feu

Vaciller dans le vide du blanc de ses yeux; elle leva les bras et se mit à crier

D’une voix puissante. Instantanément ses deux garçons allèrent chercher le veau noir

qui se ruait et se débattait,

Ils lui attachèrent les pattes de derrière avec un noeud serré, et passèrent la boucle de la corde

autour d’une branche du platane

Qui pendait au-dessus du cours d’eau et de la tête de la tranchée; ils tirèrent

ses pattes arrières, de telle sorte qu’il tomba

Sur les genoux de ses pattes avant sur la tête de la tranchée. Ensuite l’un des deux

jeunes hommes égorgea le veau

De son couteau aiguisé, le maintenant par une oreille alors que l’autre le tenait par l’autre oreille et

les naseaux, et le sang jaillit

Dans le sillon. La femme, tremblant convulsivement: « venez petits

oiseaux, »

Elle criait à travers sa gorge serrée comme quelqu’un qu’on étranglait,

« mettez la vie, voici le sang, venez oiseaux gris. »


À ce moment

la nuit profonde était tombée,

Et le feu s’était réduit à des braises rouges; on entendait un murmure le long de la rive de la rivière

comme si un vent marin se déplaçait

À travers la forêt sombre; c’est alors que je distinguai faiblement dans la lumière des braises la

vapeur qui grimpait dans l’air froid

En provenance du sang chaud et qui restait en suspend au-dessus de la tranchée

Mouvante, comme si des personnes penchées étaient en train de le mélanger; des murmures

distants commencèrent à se lever de la tranchée

Et des formes grises se mirent à bouger. Le premier, sec comme un fil dit: « hors de mon chemin, bande de racailles. »

Un autre repondit « recule.

Tu as eu ton tour. »


Il s’agissait sans hésitation des âmes des morts, dont

la femme aux yeux sombres

M’avait promis la venue pour me dire ce que je voulais savoir: ils ressemblaient plutôt à des moutons

brillants comme des étoiles,

Menés à travers la poussière toute la journée et, la nuit arrivée,

se blotissant dans un coin du chemin, effrayés par les chiens,

Gris et fatigués, et si l’un d’eux se glisse dessous les autres le piétinent.


Un des garçons de la

vieille femme

Ralluma lentement le feu éteint avec des feuilles séchées et des brindilles, de telle sorte que la lumière

augmenta imperceptiblement,

Pourtant beaucoup de ceux qui étaient présents dans ce groupe qui chuchotait s’éloignèrent effrayés. de ceux qui restèrent, certains encore avides se recroquevillèrent

Au-dessus de la tranchée pleine de sang, d’autres debout hésitaient comme de longues et pâles mauvaises herbes aquatiques : Je

m’approchai d’eux,

Ils soupirèrent et chuchotèrent, se penchant loin de moi comme des mauvaises herbes aquatiques enracinées.

Je dis : « si vous êtes les âmes des morts,

Et que la transe de cette vieille femme et le sang chaud vous rendent capables de

répondre – » Et j’allais ajouter :

« Alors dites-moi ce qu’est la mort : est-ce comme le sommeil ou comme être éveillé, est-ce captivité ou liberté, rêve ou réalité ? » - Mais ils murmurèrent

Entendant ma voix : « Nous savons, nous savons, nous savons, » ondulant

comme des herbes aquatiques : alors l’un d’eux se pencha vers moi

Et dit : « Dites à ma mère. » « Quoi ? » demandai-je. « Dites-lui que j’allais bien

Avant que ce vieux busard ne me réveille. Je suis mort dans l’hôpital de campagne – » Une autre

silhouette vint à sa rencontre et dit

« Dieu maudit tout homme qui fait la guerre ou la projette. » ( Nous étions en 1920,

environ deux ans

Après l’armistice.) « Dieu maudit chaque membre du Congrès qui la vota, Dieu Maudit

Wilson, » son visage comme une hache

Passa entre mes yeux et le feu et il pénétra la pénombre au-delà

du cercle de lumière. Je demandai à l’autre

« Comment s’appelle ta mère ? » Mais il ne répondit pas, mais il eut juste ce regard vers

moi. Je dis : « habite-t-elle sur la côte

Ou à Monterey ? » Il me regarda et frappa son front puis s’écarta.


D’autres

s’approchèrent de moi, deux qui

Paraissaient être des femmes ; mais à ce moment je distinguai une silhouette connue, grande, décharnée, grisonnante,

et les épaules si voutées

Qu’elles avaient l’air de bosses ; il se pencha sur le feu et réchauffa ses vieilles

mains grisonnantes. J’évitai les autres

Silhouettes mortes et me dirigeai vers lui ; mon cœur tremblait

Et mes yeux étaient mouillés. « Père, » dis-je. Il me répondit distinctement : « C’est toi,

Robin ? » Je dis « Père,

Pardonne-moi. J’ai déshonoré et galvaudé tous les espoirs que tu avais mis en moi, l’un après l’autre ; et pourtant

Je t’ai bien aimé. »

Il sourit calmement et répondit : « Je suppose que l’espoir est une ineptie. Nous apprenons

cela

Avant de mourir. Nous n’apprenons rien, dit-il, après. » Je restai ensuite silencieux,

repris mon souffle et demandai :

« C’est dormir ? » « Avec un rêve parfois. Mais dont le rêveur fait le deuil de manière bien moins sanglante, » dit-il « ou dont il peut se réjouir ;

Et bientôt, je suppose, même ce léger écho de la conscience

qui me fait te parler

Se dissoudra dans le flot. » Il sourit et frotta ses mains grises

et dit ; « Amen. Si tu reviens

À Endor à nouveau, je ne serai plus présent. » Ensuite j’éprouvai l’envie de lui donner

De nos petites nouvelles : que son nom se perpétuerait dans le monde, car nous avions deux

garçons maintenant ; que ma mère et mon frère

Se portaient bien ; et aussi comment s’était terminée la grande guerre, car il était mort

Dans son cinquième mois. Il fut patient et me laissa parler, mais clairement ne s’en souciait pas du tout.


Entretemps la femme

S’était mise à grogner dans sa transe ; Je remarquai que les formes des morts changeaient

en fonction de sa respiration : quand elle inspirait

Les silhouettes se faisaient plus présentes, quand elle retenait sa respiration elles

s’évanouissaient. Mais maintenant elle était épuisée, sa respiration

Ressemblait à un râle d’agonie, avec des pauses terrifiantes entre les inspirations. L’un de

ses garçons courut auprès d’elle pour la restaurer ;

L’autre rechargea richement le feu, faisant

S’enfuir les morts pâles ; mais l’un d’eux se précipita vers moi,

mince et nu, je vis la lumière du feu

Qui brillait sur ses cuisses nues ; elle me dit « je suis Tamar Cauldwell de Lobos :

écrivez mon histoire. Dites-leur que

J’ai mes désirs. » Elle passa devant moi et disparut comme une lanterne dans la pénombre

du bois.


Ce fut tout. Les jeunes hommes

Transportèrent leur mère à la cabane ; Je restai seul près du feu

toute la nuit, étudiant

Ce que j’avais entendu et vu, jusqu’à ce qu’une aube jaune se lève au-dessus de la montagne.


Était-ce

Tout ? Je ne le pensais pas.

Il me vint que ces ombres décadentes et ces échos de personnalité sont seulement un jeu de scène secondaire ; ils ne sont pas l’esprit

Que nous voyons chez la personne aimée, ou chez le saint ou le héros

Qui brille à travers la chair. Et je l’ai vu briller depuis une montagne à travers

la roche, et même depuis un vieil arbre

À travers son écorce dure. L’esprit (pour lui donner un nom : comment pourrais-je l’appeler autrement ?)

n’est pas une qualité personnelle, n’est pas

Mortelle ; il va et vient, ne meurt jamais. On ne le trouve pas dans la mort : ne fouillez pas

le monde des ombres. Les morts

N’ont rien à nous dire. Nous avons des choses pour eux, mais ils ne s’en soucient pas. Paix à

eux.


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